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WHAT | WHY | HOW | HOW MUCH


WHY
Pourquoi ?



Sherine Geagea, fondatrice/directrice artistique de Maison Titus aka ‘Tour de Contrôle’ lances #icibeirut, une plateforme en ligne dédiée à rassembler une constellation d’auteurs, artistes, activistes et artisans originaires du Liban ou vivant au Liban.

A travers les univers de la mode, l’architecture, la musique, le design, la cuisine, la pâtisserie, le film, l’animation, les documentaires et les artisanats locaux comme la céramique, ce projet aspire à construire et à nourrir une connivence créative en soutenant chacun dans son expression individuelle.

Cette plateforme a la capacité de réunir sur un mode nouveau une communauté active à présent dispersée, tout en partageant avec le monde entier une conception, une esthétique et des valeurs différentes de ce qu’est Beyrouth et l’esprit Libanais.

Au-delà des limites géographiques de la ville de Beyrouth défigurée, au-delà des codes esthétiques occidentaux, et plus dramatiquement au-delà de l’injustice d’un gouvernement irresponsable de ses actes, et resté impuni, le rôle de Sherine Geagea sera d’inviter chaque auteur au sens large à s’exprimer librement à travers ses créations, que ce soit à travers des objets design, sonores, graphiques, photographiques ou cinématographiques.

Ce Beyrouth qui chuchote dans les coulisses, dans sa diversité, sa résistance, son humour, son style, et son sens de la solidarité, c’est cet alliage qu’est #icibeirut. Beyrouth imaginé, aux plaies ouvertes, indomptable malgré le trauma, en mouvement–à présent dans la sphère numérique, marchant sur des œufs entre révolution inachevée, dévaluation monétaire, explosion chimique, #icibeirut c’est un espace de ralliement pour que le monde entier puise courage, la résilience et élégance de cœur.

#icibeirut
C’est quoi ?

Sherine : « C’est une constellation de personnes, de concepts, d’images off-grid… C’est un regard sur Beyrouth… Sur un Beyrouth qu’on n’a pas l’habitude de voir. Ni celui de la guerre, ni celui de l’explosion, ni celui des riches et des choses qui brillent. C’est un agrandissement sur image sur de nouveaux visages, des visages qui montrent Beyrouth de la manière dont j’aime qu’on l’exprime.

#icibeirut est une plateforme artistique et intellectuelle pour faire découvrir au monde une mosaïque de talents étouffés par le chaos et l’injustice, cet autre Beyrouth si peu connu.

Et ta manière, c’est comment ?
Sherine : « Une sensibilité ludique et esthétique qu’on retrouve tous au long de notre histoire, auprès de nos ancêtres, dans notre artisanat et là où la beauté n’est pas où on l’attend. C’est changer de regard. Ce sont d’autres canons de beauté. Je voudrais contribuer à un changement. Le drame politique, le "m’as-tu vu ?" ça suffit. Il nous faut redéfinir nos valeurs. Les choses belles n’ont pas besoin d’être chères. »

Pourquoi maintenant ?
Nous sommes complétement coincés dans ce pays. Que nous reste-t-il ? Après ce par quoi nous sommes passé ? De la peinture, une chanson, des conversations… Nos rêves, nos ambitions, nos moyens ont été réduits en cendre. Tellement de gens sont partis. Ceux qui avaient les moyens de partir sont partis. Il ne reste que nous avec nos moyens d’expression pour ne pas se sentir mort. C’est un moyen de résistance…. Ce besoin de s’exprimer c’est vital, sinon on étouffe… On nous a transformé en kamikazes. On ne sait pas quand ça va exploser à nouveau. On n’a pas de gouvernement, peu d’espoir. Et c’est pourquoi cette plateforme virtuelle peut servir de signe de ralliement.

C’était quoi Titus ?
Maison Titus c’est la version du monde d’avant. Un lieu physique de curation, de rencontres, une maison d’amis où on se retrouvaient pour créer et débattre ou rire autour d’une table ; un lieu de synergies. #icibeirut c’est pareil. C’est une communauté de gens qui me ressemble. C’est mon expression. C’est la voix de Titus [ma grand-mère] qui parle à travers moi. Titus est mon nom de scène.

Il faut qu’à l’étranger, on nous écoute. Je vois une planète, des lumières, une constellation. Et comme la lumière qui s’allume sur les visages dans le monde, il suffit qu’elle s’allume ici, puis là, et il suffit d’une personne à qui ça parlera pour qu’on fasse ricochet. Le but ultime, je ne le connais pas, la fin de l’histoire, je ne peux pas l’écrire, mais je veux allumer cette lumière et dire : « On est vivants !». On n’a pas eu de justice et tant que cette justice n’existera pas, une voix, un film, un dessin, une playlist… Tant qu’on s’exprime on ne nous oubliera pas…

A nous de reconstruire notre communauté, non plus sur un mode identitaire mais solidaire, éthique, esthétique et écologique. Nous avons retrouvé la prise de conscience de la terre, de l’environnement, des choses simples… #icibeirut, c’est un mouvement autour de ces notions.

Dessine-moi #icibeirut ?

C’est un nuage.
Un nuage qui s’est échappé de l’explosion. Comme un ange gardien qui s’en est sorti. « Nous sommes des miraculés !». Le souffle était énorme. Pour beaucoup d’entre nous, nous avons aussi vécu une implosion mentale. Et le fait de ne pas avoir de justice, c’est comme si rien ne s’était passé. Notre droit à la justice nous a été dénié…

Mots échangés le 27 Avril 2021 at 4:44pm Beirut / 2:44pm London
[et interrompus par une coupure d’électricité] Fin de la session 1.

© Dandy Vagabonds 2021